« Banel » et « Adama » avaient crevé l’écran en mai dernier, au Palais des festivals de Cannes (France), lors de la 76e édition de cet évènement cinématographique mondial, alors qu’ils n’avaient jamais envisagé avant cela une carrière au cinéma. Ni l’une ni l’autre ne s’était jusque-là intéressé au 7e art, encore moins au théâtre.

Par un concours de circonstances, ils ont été les héros du film de la réalisatrice franco-sénégalaise Ramata-Toulaye Sy, sélectionné en compétition officielle à Cannes (16-27 mai 2023). L’APS est à leur rencontre, à Ndioum et à Podor, au nord du Sénégal, après leur montée des marches à Cannes.

Les deux personnages principaux du film « Banel et Adama », long métrage projeté en avant-première mondiale à Cannes, n’étaient en rien des « cinéphiles » jusqu’au jour où ils ont été surpris par une équipe qui sillonnait le Fouta pour faire des castings.

« Quand j’ai regardé le film pour la première fois, c’était au festival de Cannes, j’avais du mal à croire que c’était moi-même », raconte « Banel », Khady Mané à l’état civil, assise à côté de sa grand-mère qu’elle considère comme sa « rivale » et « coépouse ».

« Je suis sa complice », lance Khady, un peu émue, en parlant de sa grand-mère qui était relativement « perturbée » en apprenant que sa fille qui a joué dans un film avait été retenue pour un voyage en France.

Le casting à Dakar

Khady Mané, qui réside dans le très « bouillonnant » quartier Lao Demba, à Podor, fief de l’Association sportive et culturelle (ASC) « Daande Leñol », ne s’était jamais intéressée au cinéma et voulait plutôt devenir hôtesse de l’air.

« Je privilégiais mes études que j’alliais avec les travaux ménagers pour aider ma mère », précise celle qui a manqué son Bac L 2, avant de s’inscrit au centre départemental de formation de Podor où elle suit des cours de développement local. C’est là qu’elle a été repérée par l’équipe en charge du casting dont les responsables lui ont proposé de participer aux essais qu’ils étaient en train de mener.

« Ma réponse a été tout de suite négative, mais avec l’insistance de l’équipe qui m’a suppliée, j’en ai finalement parlé avec ma mère », se rappelle celle qui a interprété le personnage de Banel.

La rencontre avec Adama

Deux semaines après le casting, un coup de fil de la réalisatrice l’informe qu’elle a été retenue pour le tournage du film, mais elle doit d’abord se rendre à Dakar pour rencontrer celui qui devrait être « son amant » dans le film.

« Adama », lui aussi, a rencontré par hasard l’équipe du casting. Comme dans le cas de Banel.

« J’étais avec des jeunes de notre ASC dans le cadre d’un investissement humain à l’hôpital de Ndioum, quand la directrice du casting, aidée du photographe Baye Waly, m’a repéré et m’a demandé de venir participer [aux essais] », se souvient Mamadou Diallo, alias « Adama ».

Diallo, qui n’a pas pu continuer ses études au-delà du cycle secondaire – il a arrêté l’école en 2017, en classe de quatrième – affirme n’avoir jamais imaginé pouvoir « jouer un rôle dans une pièce de théâtre, à fortiori dans un film ».

Il s’adonnait au transport avec sa moto Jakarta. Il a rencontré pour la première fois Banel, « sa fiancée », à Dakar, chez son frère aîné aux Parcelles assainies, Unité 19, où il résidait. Les responsables du casting l’avaient auparavant appelé pour lui annoncer qu’il a été choisi pour incarner le rôle de Adama.

Le film de Ramata-Toulaye Sy, entièrement tourné en au Fouta – nord du Sénégal – et en langue pulaar, est programmé à partir du 4 octobre prochain dans les salles de cinéma en France et en Belgique. « Banel et Adama » devrait être projeté également prochainement à Dakar.

Du Fouta à « la montée des marches », sur la Croisette

« Banel et Adama » est le seul film retenu pour la compétition officielle de la dernière édition du festival de Cannes, avec « Les filles d’Olfa » de la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania.

Les séquences du film de Ramata-Toulaye Sy ont été filmées dans des localités choisies entre les villages de Donaye Walo, Carrière-Mbantou, Croisement-Mbantou, Tarédji, et les casiers rizicoles de Guédé-Chantier.

Les deux acteurs ont révélé avoir été « ébahis » par le changement de décor à leur arrivée sur la Croisette, car « ce n’était pas évident », dit Mamadou Diallo, né dans le quartier de Ouladoubéry, à Ndioum, une commune du département de Podor.

Avant ce voyage sur Cannes, il n’avait jamais visité un pays étranger. D’où son émerveillement lorsqu’il a débarqué sur la côte d’Azur où il logeait à l’hôtel Carlton. Une bonne expérience pour le jeune acteur qui a eu l’occasion de rencontrer l’actrice et productrice britannique Kate Winslet, qui a joué dans « Avatar », ou encore le héros du film « Titanic », Leonardo DiCaprio, de même que les acteurs italo-américains Martin Scorsese et Robert De Niro.

Tout ce beau monde, comme on pouvait s’y attendre, était présent à Cannes pour la 76e édition du festival international du même nom.

« Je suis rarement sortie de Podor », révèle de son côté Khady Mané. Or, entre les spectacles, les restaurants, les interviews et autres rencontres avec des partenaires, il fallait savoir « gérer les émotions », relève-t-elle.

Mamadou et Khady ont pu compter sur Ramata-Toulaye Sy dont les parents sont originaires du Fouta et qui les a briefés sur le séjour à Cannes où ils ont passé dix jours aux côtés de grands noms du cinéma.

Une nouvelle vocation et des perspectives nouvelles sont nées pour Khady et Mamadou, qui disent avoir beaucoup de contacts et des promesses pour continuer dans le cinéma. Banel, surtout, dit ne pas être pressée, consciente de la nécessité de faire des formations appropriées et surtout d’apprendre l’anglais.

Quant à Adama, il va bientôt retourner dans la capitale sénégalaise pour des sessions de formation à l’Institut français de Dakar.

SENEGAL-FRANCE-CINEMA-PORTRAIT / Sur les traces de « Banel et Adama », héros du film de Ramata-Toulaye Sy (msn.com)

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