Sur les lampadaires, les affiches de campagne se superposent les unes aux autres en brochettes colorées. Les rues de toutes les villes et de tous les townships du pays se sont emplies pendant trois mois de militants aux tee-shirts colorés armés de flyers. Dans les rues de Soweto, des membres du parti uMkhonto we Sizwe (MK) accrochent des pancartes en dansant au rythme de la musique qui tambourine d’une sono sur roulettes. Ils reçoivent en réponse de nombreux klaxons de soutien. Le tout nouveau parti, fondé en décembre dernier, fait beaucoup parler de lui. Sa popularité tient principalement à son dirigeant, Jacob Zuma, toujours très populaire dans le pays malgré les scandales qui ont émaillé sa présidence de 2009 à 2018. « Il sait à quel point on souffre, il est le seul à pouvoir nous sauver », assure une femme âgée derrière son stand de légumes, dansant en rythme. Le MK pourrait arracher des voix précieuses à l’ANC, en perte de vitesse.

Le parti uMkhonto we Sizwe, du nom de l’ancienne branche armée de l’ANC, attire de nombreux Sud-Africains grâce à la figure de Jacob Zuma. © Joséphine Kloeckner

Selon le dernier sondage publié par la Social Research Foundation, le parti de la libération poursuit en effet sa chute dans les intentions de vote, avec au 22 mai le soutien de 40,8 % des électeurs. C’est 17 points de moins qu’aux dernières élections générales, en 2019. Si cela se concrétise, la perte de confiance dans le parti de la libération serait inédite, et il n’obtiendrait pas la majorité absolue pour la première fois depuis l’élection de Nelson Mandela en 1994.

ANC, DA, EFF, MK : pléthore de partis en lice

Une opportunité inédite pour les autres partis, qui espèrent tous capter les voix des déçus de l’ANC. Une flopée de nouvelles formations ont fait leur apparition, comme Rise Mzansi, né en mars 2023 et dirigé par le fondateur d’un think tank. « Cette élection présente beaucoup d’incertitudes, mais c’est aussi une immense opportunité pour un vrai changement en Afrique du Sud », estime Vuyiswa Ramokgopa, candidate de Rise Mzansi pour la région du Gauteng, lors d’une journée de porte à porte dans un township près de Pretoria. « Les Sud-Africains ont été déçus, et je pense qu’ils cherchent des alternatives crédibles à l’ANC. »

Convaincre qu’ils sont cette alternative crédible, c’est le défi de l’opposition, à commencer par l’Alliance démocratique (DA), premier parti d’opposition, qui a récolté près de 21 % des voix en 2019. Il a mené cette année une campagne agressive, se présentant comme le seul parti capable de redresser le pays de la ruine dans laquelle l’a, selon lui, plongé l’ANC, avec son slogan « sauver l’Afrique du Sud ». « Si nous n’agissons pas et autorisons une coalition entre l’ANC, l’EFF (parti d’extrême gauche) et le MK, aidés par les vendus de l’Alliance patriotique, alors notre lendemain sera bien pire que notre hier. Ce sera l’apocalypse pour l’Afrique du Sud », a clamé le dirigeant du DA, John Steenhuisen, lors du dernier meeting de la campagne.

L’ANC, un éternel recommencement

Malgré le déclin de l’ANC à chaque élection depuis 2004, et les succès du DA en gouvernance locale, avec en vitrine la ville du Cap, le parti d’opposition n’a pourtant encore jamais réussi à atteindre le quart des voix. Il est encore souvent perçu comme un parti de Blancs, bien qu’il s’en défende. « Au fil des années, le DA a échoué à renouveler son leadership, et n’a pas permis à des personnalités noires d’y accéder », estime pourtant Dr Hlengiwe Ndlovu, maîtresse de conférences à l’école de gouvernance de l’université du Witwatersrand, à Johannesburg. « Pourtant 80 % de la population est noire. Si vous voulez parler à cet électorat, il faut bien faire les choses, et la représentation est importante. »

L’ANC bénéficie toujours d’un fort soutien dans les townships et les zones rurales. © Joséphine KloecknerLa chercheuse est par ailleurs moins catégorique que les sondages concernant une possible perte de la majorité absolue de l’ANC. « Il est possible que le parti passe tout juste la barre. Dans les zones rurales, souvent mal représentées dans les sondages, il est toujours très populaire, » explique-t-elle.

Si l’ANC récolte cependant moins de 50 % des voix, il devra composer un gouvernement de coalition. Une première ou presque. En 1994, bien qu’ayant remporté le scrutin haut la main, Nelson Mandela avait mis en place un gouvernement d’unité nationale, composé de membres de divers partis d’opposition, pour apaiser les tensions ayant entouré les premières élections non raciales.

L’Afrique du Sud à l’épreuve des urnes (msn.com)

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