Nous – défenseurs des forêts classées ivoiriennes – avons salué votre nomination, le 20 avril dernier, par le Président de la République Alassane OUATTARA, à la tête de ce ministère difficultueux. Nous n’en dirons pas moins du ministère de l’Hydraulique que vous avez géré avant. Vous (re)nommer, alors qu’il a carrément dégraissé le Gouvernement, démontre que  Président de la République a confiance en vous et en vos compétences.

MONSIEUR LE MINISTRE, LA TÂCHE NE SERA PAS AISÉE ! 

Bravo pour votre nomination, Monsieur le Ministre et bonne arrivée ! Nous savons que vous savez que les forêts ivoiriennes sont minées par plusieurs phénomènes. Que le secteur forestier rencontre d’énormes et divers problèmes. Ce qui nous amène à vous prévenir, tout de suite, sans douter de vos compétences bien entendu, que votretâche ne sera pas aisée ! Pas du tout et nous allons vous dire pourquoi…

MONSIEUR LE MINISTRE, VOICI LES (4) DÉFIS QUI VOUS ATTENDENT…

Défi numéro 1 : LA CORRUPTION (mise en lumière par le confrère Penda, dans le dossier « Wood gate » qui à remuer toute l’opinion ivoirienne en fin 2021)

Monsieur le Ministre, le secteur forestier est truffé de corrupteurs et de corrompus. Donc, si vous avez à cœur de mâcher votre poignée d’arachides sans écraser une mauvaise graine, alors il vous faudra les trier avant de les porter à votre bouche.

Autrement dit, ce sont ces mauvaises graines qui rendent difficile l’applicabilité des lois qui réglementent le secteur. Sinon, comment comprendre que le sciage à façon qui est interdit par le décret N°2013-816 du 26 novembre 2013 portant interdiction de l’exploitation du bois au-dessus du ‘8ème parallèle’ (ligne imaginaire qui part de la ville de Touba à Bondoukou en passant par Séguéla) se poursuive au grand jour mais dans une ambiance totale de ni vu ni connu ?

Comment comprendre que des opérateurs du bois s’introduisent sans aucun contrôle dans des forêts classées éligibles au régime de la concession avant même d’avoir conclu des conventions avec l’Etat au mépris du décret n°2021-437 de septembre 2021 fixant le cadre général de la gestion desdites forêts du domaine privé de l’Etat, éligibles au régime de la concession ?

La seule explication qui tienne, c’est que certains éléments essentiels du secteur forestier encaissent des pots de vin pour fermer les yeux sur cette exploitation abusive dont sont victimes les forêts ivoiriennes.

Le fameux décret pris en septembre 2021 qui ne sert aujourd’hui que les intérêts d’un petit groupe de personnes au détriment des forêts ivoiriennes. Sinon comment comprendre que certaines forêts ont étés malicieusement ajoutées à la liste des forêts de catégorie 3 (forêt dégradée à plus de 75%) visées par ledit décret sont en moins d’un an érigé en réserve. En exemple le décret pris récemment en conseil des ministres érigeant le forêt classée de Bossematié en réserve puis qu’en réalité, elle est bien conservée donc n’était pas un forêt de catégorie 3. 

Monsieur le Ministre, nous vous prions respectueusement de faire beaucoup attention à certains membres d’entourage et collaborateurs, qui pourraient vous jouer des tours pour ne pas… gâter votre nom, comme on le dit à l’ivoirienne.

DEFI NUMERO 2 : DEGUERPISSEMENT DES POPULATIONS DANS LES FORETS CLASSEES

Monsieur le Ministre, les forêts classées sont infiltrées par les populations à une proportion que vous n’imaginez peut-être pas. Il est vrai que le programme du Conseil National de Sécurité (CNS) et les actions de la Société de Développement des Forêts (SODEFOR) ont permis de déguerpir de nombreuses populations de ces espaces, entre 2016 et 2020, mais le phénomène perdure.

En effet, plusieurs forêts classées sont encore occupées. Elles contiennent de gros villages dont certains sont érigés en sous-préfecture avec des infrastructures économiques, sanitaires, éducatives etc… dont les superficies rivalisent avec certaines communes de Côte d’Ivoire.

Monsieur le Ministre, vous devriez donc tout mettre en œuvre pour reprendre ce chantier de la délocalisation qui avait pourtant bien commencé avec des résultats satisfaisants. Malheureusement, freiné dans son élan, avant votre arrivée.

DÉFI NUMÉRO 3 : INVESTIR DANS LE REBOISEMENT

Monsieur le Ministre, les défrichements poussés, le sciage à façon, les feux de brousse, l’orpaillage clandestin et la chasse sont légion dans les forêts. Toutes ces activités favorisent leur destruction et il nécessite un véritable plan d’actions pour venir à bout de ces actes d’agression sauvage.

Monsieur le Ministre, pour la reconstitution du couvert forestier ivoirien, il n’existe d’autre alternative que l’investissement financier, matériel et humain. Oui, il faut investir de gros moyens pour financer les opérations de reboisement.

Mais avant tout, il serait judicieux de faire le bilan technique des opérations suivantes : « une journée, un million d’arbres » ; « une journée 5 millions d’arbres » et « une journée 50 millions d’arbres »… En somme, il serait bon de savoir où sont les quelques 56 millions d’arbres plantés aux frais du contribuable durant ces quatre dernières années.

Face à une déforestation qui progresse à un rythme effréné, Monsieur le Ministre – pardonnez-moi mon outrecuidance – mais, s’il vous plaît, ne vous invitez pas sur le terrain de la propagande communicationnelle. Ordonnez aux acteurs forestiers de faire des reboisements réels et qui seront vérifiables après 3 ou 4 ans.

Aussi, Monsieur le Ministre, vous devriez rechercher les financements nécessaires pour lancer des chantiers de reboisement de grandes envergures sur tout le territoire national. L’objectif devra être axé sur le reboisement des espaces dégradés et sur la recolonisation des plantations en forêt par le système des pratiques agroforestières.

Il faut mettre pleinement à l’œuvre des structures comme la SODEFOR qui a été créée par l’Etat de Côte d’Ivoire avec pour vocation première le reboisement. D’ailleurs, elle est sous votre tutelle technique.

En veillant à l’application des lois qui réglementent le secteur forestier, Monsieur le Ministre, nous vous prions de bien vouloir doter votre département et les structures sous tutelles de moyens matériels adéquats de protection.

Monsieur le Ministre des Eaux et Forêts, nous reconnaissons être loin d’avoir exposé tous les défis qui vous attendent. Mais nous croyons et nous sommes convaincus que, si ces quelques défis susmentionnés sont relevés, la forêt ivoirienne renaîtra de ses cendres.

Ainsi, elle pourra jouer son rôle écologique, son rôle de pourvoyeuse de bois d’œuvre nécessaire pour l’industrie du bois et jouer également son rôle de moyen de séquestration du carbone afin de nous éviter les changements climatiques et leurs conséquences.

Un article de Narcis’KOUASSI

Journaliste indépendant

Militant pour la sauvegarde des forêts ivoiriennes

Créateur & Administrateur de LA FORÊT NOTRE HERITAGE

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