La France, ses partenaires européens et le Canada ont annoncé ce jeudi le retrait du Mali des opérations militaires antidjihadistes Barkhane et Takuba du fait de la dégradation des relations avec la junte à Bamako.

« Les conditions politiques, opérationnelles et juridiques ne sont plus réunies » et les pays ont décidé « le retrait coordonné » du Mali, tout en assurant de leur « volonté de rester engagés dans la région » du Sahel en proie à la contagion djihadiste, selon une déclaration conjointe.

Les partenaires internationaux au Sahel veulent « étendre leur soutien » aux pays du golfe de Guinée
Les partenaires internationaux mobilisés au Sahel, dont la France, souhaitent « étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest » pour contenir la menace djihadiste, selon une déclaration conjointe publiée ce matin. « Afin de contenir la potentielle extension géographique des actions des groupes armés terroristes en direction du Sud et de l’Ouest de la région, les partenaires internationaux indiquent leur volonté d’envisager activement d’étendre leur soutien aux pays voisins du Golfe de Guinée et d’Afrique de l’Ouest, sur la base de leurs demandes », soulignent-ils dans la foulée de l’annonce du retrait militaire des Français du Mali.

Au Mali, « la mission n’a plus de sens » : un ex-officier français dit son « amertume »
« Se battre pour un Etat qui ne souhaite plus notre présence, quel est le but de tout cela ? »: le colonel en retraite français Raphaël Bernard, déployé trois fois au Mali, approuve la décision de quitter le Mali tout en confiant son « amertume ». Auteur d’un ouvrage relatant son expérience de terrain, « Au coeur de Barkhane » (2021, éd. JPO), l’ancien haut gradé, qui a quitté l’armée de Terre en 2020, a confié ses sentiments mêlés à l’AFP.

« Il est bon qu’on se retire. Se battre pour un Etat qui ne souhaite plus notre présence, quel est le but de tout cela ? On constate depuis quelques mois une séparation politique entre la France et la junte qui nous stigmatise, sans jamais réclamer ouvertement le départ des militaires français. Il y a pour moi une gesticulation politique interne qui prend pour levier la présence française. C’est profondément inique et indigne, sachant que la France a payé le prix du sang pour le Mali et qu’elle a déboursé un milliard d’euros par an dans cette opération ».

« Militairement, ça se passe bien avec les Maliens, comme le montre le succès de l’opération conjointe menée récemment entre FAMa (forces armées maliennes) et forces spéciales européennes de Takuba » dans la région de Ménaka, dans la zone dite des « trois frontières aux confins du Mali, du Niger et du Burkina Faso ».

Mais dans le contexte d’hostilité ouverte affichée par Bamako, « la mort du brigadier français (Alexandre Martin, en janvier dans l’attaque de la base de Gao, ndr) interroge. A quoi bon ? Un officier est là pour donner des ordres mais aussi pour donner du sens. Aujourd’hui , je me demande comment nos camarades sur le terrain peuvent encore donner un sens à la mission ».

Goût d’inachevé

« Quand j’étais au Mali, nous étions là pour la restauration de l’intégrité de l’Etat malien. Aujourd’hui, avec une junte malienne hostile, le sens n’est plus là. Même si dans les zones où on opère, à Gao, Gossi ou Ménaka, les populations souhaitent la présence de la France ».

« Mon sentiment face au retrait de Barkhane est double: c’est d’abord le sentiment que nous avons réalisé de belles choses. Barkhane n’est pas un échec militaire. Le Mali n’est pas tombé aux mains des jihadistes. De 2013 à aujourd’hui, les forces armées maliennes sont passées de 7 000 à 40 000 hommes grâce aux efforts de formation. Et le groupe Etat islamique au Grand Sahara (EIGS) a subi de très lourdes pertes ».

« Mais je ressens aussi de l’amertume. Nous n’avons pas atteint le but ultime, qui était de faire monter en puissance les FAMa pour qu’elles soient capables de prendre en charge la sécurité de leur pays. On n’a pas été au bout de la mission. L’état final recherché était de mettre la menace jihadiste à portée des armées locales. Or on est parvenus à endiguer cette menace, mais avec l’armée malienne nous n’avons pas été au bout du chemin ».

« Le problème, c’est qu’à chaque fois qu’on a remporté une victoire tactique, l’Etat malien n’en a pas profité pour remettre des services, des juges, des préfets, des forces de sécurité dans ces zones du nord. Or la nature a horreur du vide. Quand les terroristes arrivent avec leur charia, pour les populations locales c’est parfois mieux que rien ».

« Après, au Mali, il y a un gouffre historique et culturel entre les Touaregs du nord et les Bambara du sud. A 10 km de Gao, il n’y a plus de route de bitume. Cela a peut-être été une erreur stratégique de croire en un Mali indivisible. Mais était-ce politiquement correct de dire autre chose ? ».

« Je ne vois pas les différentes forces du pays s’unir autour d’un même projet. A moyen ou long terme, je pense qu’on reviendra ». (abamako.com)

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