Authentique ou pas ? L’affaire de l’audio risque de porter un coup sérieux à l’image de l’ex-Premier malien dont la candidature à la candidature de son parti rencontre de plus en plus de résistance.

Un léger vent froid risque de souffler entre Bamako et Abidjan. Un audio qui pourrait mettre le feu aux poudres. La conversation non authentifiée entre le président ivoirien Alassane Dramane Ouattara et l’ex-Premier ministre malien Boubou Cissé a eu l’effet d’une bombe au sommet de l’État et dans l’opinion publique. Ces propos ont suscité l’indignation, faisant apparaître l’ancien chef de gouvernement sous les traits peu flatteur de « mouton noir », accrédité la thèse d’une « intelligence avec des puissances hostiles » et déclenché l’ouverture d’une enquête judiciaire.

L’entretien remonterait à l’avant sommet de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) du 3 février consacré au Mali, Burkina et la Guinée. Diffusé via la messagerie Whatsapp le 11 février, l’audio a dévoilé la trame des échanges portant sur la posture des autorités maliennes de transition et la vie économique du pays. La discussion empreinte de courtoisie dénotant d’une profonde amitié prêtée aux deux hommes a pris par la suite la forme d’une photographie de la situation économique et politique du Mali. Morceaux choisis : « Malgré tout ce qu’ils veulent faire croire, la situation reste très difficile pour eux », commence une voix attribuée à Boubou Cissé. « Eux », ce sont les actuels dirigeants du Mali, qui, selon l’ancien chef de gouvernement, seraient dans une situation intenable du fait de la pression financière, une allusion aux sanctions économiques prises par la Cédéao contre le Mali en janvier. « Ce sera extrêmement difficile de tenir encore trois quatre semaines financièrement, poursuit-il. La pression est réelle, les prix ont flambé, il est difficile aujourd’hui de se procurer du riz, du sucre, du ciment à un prix normal. » A quoi a répondu la seconde voix supposée être celle d’Alassane Ouattara. « Ils font croire que tout va bien […] On voit qu’ils n’ont pas d’économistes parmi eux. Un pays dont 30 % ou 40 % du budget est financé par l’extérieur ne peut tenir qu’un ou deux mois. Après cela, ils ne pourront même plus payer les salaires » s’est –il voulu péremptoire.

« Tombés sur la tête »

Selon les deux hommes, les autorités ont tenté de masquer les difficultés de trésorerie actuelles par un ton de plus en plus offensif contre la France. Autre point évoqué : le partenariat engagé avec la Russie qui « n’a pas les moyens du Canada ou de la Corée », aurait indiqué Alassane Ouattara qui a lâché rapidement enchaîné avec « ce n’est pas la Russie qui va régler leurs problèmes ».

« Tombés sur la tête », « rattrapés par la réalité d’ici deux semaines environ »… Les deux hommes ont tiré à boulet rouge sur l’actuel Premier ministre Choguel Maïga et le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, jugé être le plus « jusqu’au-boutiste ».

Murés dans un silence

Ni l’entourage de Boubou Cissé, ni la présidence ivoirienne n’ont confirmé ou infirmé l’authenticité de l’entretien, préférant se murer dans un silence gênant et qui pourrait discréditer davantage la cédéao dont le numéro un ivoirien en est un des poids lourds. “Si l’audio venait à être authentique, ça va non seulement décrédibiliser la Cédéao, mais dans le même temps, ça pourrait amener les autorités maliennes à ne plus être attentives aux différentes demandes relatives à un chronogramme qui soit raisonnable et accepté par la Cédéao”, a prévenu Aly Tounkara, directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel(CE3S).

Authentique ou pas ? L’audio pourrait relancer des interrogations sur l’avenir politique de Boubou Cissé. En ce sens qu’il va donner matière à réfléchir à ses gros soutiens de l’Union pour la république et la démocratie (Urd) et apporter de l’eau au moulin de ses détracteurs qui y voient dans sa candidature à la candidature du parti comme une « trahison des idéaux » du défunt président-fondateur Soumaïla Cissé. En attendant, dans la matinée du 11 février dernier, le parquet de la commune IV de Bamako a annoncé l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « atteinte ou tentative d’atteinte et complicités à la sûreté intérieure et extérieure du Mali », basée sur « une conversation téléphonique dont l’authenticité est en cours de vérification entre deux hautes personnalités dont l’une est malienne ».

Arrêté par les militaires lors du coup d’État du 20 août 2020, qui a renversé Ibrahim Boubacar Keïta, Boubou Cissé avait ensuite été accusé d’avoir voulu renverser les autorités de transition aux côtés d’autres personnalités. Il était alors longtemps resté caché « en lieu sûr », avant d’être blanchi par la justice et de choisir l’exil. Depuis l’étranger, l’ancien Premier ministre se prépare à une candidature à la présidentielle lors du prochain scrutin malien dont la date n’est toujours pas connue. Mais Boubou Cissé pourrait bien voir ses ambitions fauchées par cette nouvelle affaire si la justice décidait de le poursuivre.

D’ores et déjà, sur les réseaux sociaux, nombreuses réactions l’ont accusé d’être un « Malien, ennemi du Mali » et indexé pour sa « détermination à faire tomber coûte que coûte les autorités de Bamako ». (abamako.com)

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