Il devait se retirer définitivement de la vie politique camerounaise cet été, lors du congrès du Social Democratic Front, parti d’opposition qu’il avait fondé en 1990. John Fru Ndi, l’un des opposants historiques au président Paul Biya, qui dirige le Cameroun d’une main de fer depuis plus de 40 ans, est décédé à 81 ans « des suites d’une longue maladie », lundi 12 juin. Pour les militants et sympathisants du SDF, la nouvelle de sa disparition a été accueillie avec émoi et consternation.

Il faut souligner que, John Fru Ndi avait été à trois reprises candidat malheureux contre Paul Biya aux présidentielles de 1992, 2004 et 2011, arrivant à chaque fois en deuxième position. Historiquement, le SDF a été le premier parti d’opposition représenté à l’Assemblée nationale. Depuis 2020, il occupe cinq sièges, mais il en avait 18 dans la précédente législature. Il a perdu de son influence ces dernières années face au tout-puissant Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de Paul Biya, 90 ans et président du Cameroun depuis 1982.

Un opposant emblématique

John Fru Ndi est né en 1941 à Baba II, une commune limitrophe de Bamenda, alors située au c?ur de la partie du Cameroun sous mandat britannique et anglophone qui sera intégrée, pour partie, en 1961, au Cameroun devenu indépendant de la France un an plus tôt. D’abord, marchand de fruits et légumes puis libraire, il avait commencé en politique dans les années 1980 au sein du RDPC de Biya avant de fonder le SDF en 1990 quand le Cameroun a légalisé le multipartisme.

Bamenda est le chef-lieu de la région du Nord-Ouest. Avec le Sud-Ouest, elle est l’une des deux régions ensanglantées depuis plus de six ans par une guerre entre des groupes armés séparatistes anglophones et l’armée. Les militaires ont été dépêchés massivement par Paul Biya, intraitable face aux velléités d’indépendance d’une partie de la minorité anglophone, qui s’estime ostracisée par la majorité francophone.

John Fru Ndi, notamment en faisant participer son parti à tous les scrutins, n’a jamais soutenu l’idée de l’indépendance, ce qui lui a valu notamment d’être désigné comme un « ennemi » dans sa région par les séparatistes les plus radicaux.

Sa maison avait été incendiée et il avait même été brièvement kidnappé en 2019 par un groupe armé qui avait affirmé vouloir le convaincre de retirer les députés SDF de l’Assemblée nationale. En 2019, l’opposant avait soutenu l’idée d’une solution fédéraliste avancée par les plus modérés des séparatistes, mais rejetée par le pouvoir.

Un parti qui s’est étiolé

Quel héritage politique lègue-t-il à ses successeurs ? La question mérite d’être posée, alors que le SDF est régulièrement en proie à des crises internes et John Fru Ndi, surnommé « le Chairman », y était très contesté par une frange de ses cadres ces dernières années, qui l’accusaient notamment, sans apporter de preuves toutefois, de s’être enrichi personnellement grâce au financement public des partis représentés à l’Assemblée nationale et de s’être fait « acheter » par le pouvoir soucieux d’« amadouer » l’opposition.

Lors de la dernière présidentielle de 2018, John Fru Ndi, déjà malade, avait poussé son second Joshua Osih, vice-président du parti, à se présenter à sa place mais c’est Maurice Kamto, leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), qui était arrivé en deuxième position, reléguant le candidat SDF loin derrière, en quatrième position.

Depuis, Kamto, emprisonné neuf mois sans procès en 2019 pour des manifestations pacifiques contre le pouvoir de M. Biya, est devenu le principal opposant camerounais. Le MRC n’a pas d’élus à l’Assemblée parce qu’il a boycotté les législatives de 2018. (Le Point)

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