C’est la première exposition personnelle en Europe pour le peintre sénégalais Kassou Seydou. « Guiss guiss » (expression en wolof que l’on pourrait traduire librement en français par « les visions »), à la galerie Cécile Fakhoury à Paris, montre un univers singulier : une évocation du Sénégal contemporain qui garde bien des mystères.

Des personnages au travail ou au repos, à la campagne ou à la ville… Les toiles à l’acrylique de Kassou Seydou reflètent le Sénégal actuel, son rapport à la tradition, les tensions liées à la mondialisation. La nature y tient une place importante. Des masques ou des animaux plus ou moins mythologiques apparaissent aussi dans certaines œuvres, dont les titres s’inspirent de la sagesse populaire sénégalaise (« On ne peut pas utiliser un porc-épic comme oreiller »…)

Mais si les peintures de Kassou Seydou conservent une part de mystère, c’est bien à cause des signes qui les recouvrent en partie, des spirales semblables à des lettres : « Le trait rappelle effectivement le travail d’un calligraphe, l’écriture de hiéroglyphes en cartouches, constate Francis Corabœuf, directeur général de la galerie Cécile Fakhoury à Paris. Le travail de Kassou Seydou est lié aussi bien à son esprit qu’à sa main. Certes, on peut parler d’une écriture, mais pas d’une écriture alphabétique, plutôt d’une écriture artistique ».

Le souvenir du « Joola » 

Une « écriture » qui agit comme un voile sur des œuvres toujours très colorées. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Pour Kassou Seydou, 51 ans, originaire de Casamance, la couleur n’est pas toujours synonyme de légèreté, en témoignent ses peintures sur le naufrage du Joola. En 2002, ce bateau surchargé qui assurait la liaison entre Ziguinchor, principale ville de Casamance, et Dakar, a coulé au large de la Gambie. Bilan : au moins 1 800 morts, l’une des pires catastrophes de l’histoire maritime.

« C’était une grande perte, affirme avec émotion Kassou Seydou, joint au Sénégal. Personne ne sait ce que les gens qui sont morts auraient pu apporter à notre pays, à l’Afrique ou au monde… N’oublions pas non plus que ce qui a causé ce drame – la corruption – continue de se répéter. Quand un bateau prévu pour 500 passagers en embarque presque 2 000, forcément ça pose problème ! »

« Partir, ce n’est pas mon choix »

Face aux peintures de Kassou Seydou, le visiteur comprend que le drame du Joola fait écho aux naufrages de candidats à l’émigration, partis du Sénégal et noyés dans les flots de l’Atlantique. Dans ce cas aussi, c’est un pan de la jeunesse du pays qui disparait. Englouti au début du mois de septembre, le Joola avait embarqué beaucoup de lycéens casamançais destinés à poursuivre des études supérieures dans la capitale sénégalaise.

Quand il évoque l’immigration, Kassou Seydou confie qu’il a, lui aussi, été confronté à cette tentation du départ. « C’était en 2006, révèle le peintre. J’étais en résidence à Joal [village de pêcheurs au sud-est de Dakar, NDLR] et un homme m’a abordé pour me dire que des bateaux partaient pour l’Espagne. Je lui ai dit : « Moi, je reste là, je préfère attendre de voir ce que mes recherches picturales vont donner plutôt que de chercher autre chose quelque part ». Je respecte le choix de ceux qui partent, mais ce n’est pas le mien ».

L’avenir a donné raison à Kassou Seydou. Représenté par la galeriste Cécile Fakhoury depuis 2014, il a été exposé à Dakar et Abidjan, puis à Paris, d’abord à la Foire internationale d’art contemporain (FIAC) en octobre dernier dans le cadre d’une exposition collective.

Si le peintre se réjouit que « de plus en plus de personnes se retrouvent dans [son] travail », il ne court pas pour autant les mondanités. Pour laisser libre cours à ses « visions », Kassou Seydou peint ses toiles en pleine nature, à Déni Birame Ndao, à 50 kilomètres de Dakar. (rfi.fr)

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